« Brigades Covid-19 » créées dans les Caisses Primaires : une modification considérable des missions de l’Assurance Maladie !
Lettre ouverte de l’UD FO de Maine-et-Loire et des Conseillers Force Ouvrière à Mme la Présidente du Conseil de la CPAM d’Angers
Madame la Présidente,
Nous avons eu connaissance par la presse que la CNAM et les CPAM dont certainement la nôtre organisent — sur injonction gouvernementale — la mise en place un « tracing » des personnes infectées par le covid-19 par des agents des Caisses Primaires.
Toujours selon la presse, les dispositions doivent être prise pour que ce « tracing » soit opérationnel le 11 mai, jour du déconfinement.
Ces éléments nous les avons relevés dans un nombre conséquent d’articles de presse, d’interview radiophoniques ou télévisées.
Vous comprendrez aisément que les conseillers FO, censés « délibérer sur la politique sanitaire et sociale de la Caisse » puissent être scandalisés de n’avoir été informés d’une affaire d’une telle importance que par les médias. Quel curieux respect de la démocratie sociale et des interlocuteurs sociaux !
D’autre part, permettez-nous de nous étonner du fait que la CNAM anticipe des dispositions prévues dans le projet de loi prolongeant l’urgence sanitaire qui, si elles ont fait l’objet d’annonces gouvernementales, sont pour l’instant toujours à l’heure où nous écrivons ces lignes, à l’état de projet. Quel curieux respect de la démocratie politique !
Au-delà de ces remarques, ces dispositions suscitent de notre part des interrogations de fond :
Interrogations d’abord sur le respect des procédures budgétaires.
Le projet prévoit, selon M. Revel, la mobilisation d’agents 7 jours sur 7, samedi et dimanche compris, de 8 heures à 19 heures, avec semble-t-il, des dispositions prises pour le paiement d’heures supplémentaires, qui induisent des dépenses supplémentaires en matière de frais de personnel.
Il ne vous aura pas échappé (puisque jusqu’à présent il ne vous a pas semblé nécessaire de convoquer un Conseil malgré la situation extraordinaire) qu’aucun budget rectificatif n’a été soumis au Conseil et encore moins voté par lui. Certes, les réformes successives, que notre organisation syndicale a combattues, ont largement dépouillé les Conseils des caisses de leurs pouvoirs, mais pas celui de voter les budgets !
Interrogations surtout en ce que ces dispositions modifient profondément les missions de l’Assurance Maladie et font fi du secret médical.
L’OMS ne cesse de le répéter, seule l’organisation de tests systématiques peut permettre de maîtriser la pandémie. « Vous ne pouvez pas combattre un incendie les yeux bandés. Testez, testez, testez… » a ainsi déclaré le directeur général de l’OMS dès le 13 mars.
Mais en France, comme pour les masques qui n’étaient pas obligatoires tant qu’il n’y en avait pas suffisamment, les tests systématiques sont prétendument inutiles tant qu’il est impossible de les organiser et le gouvernement a décidé de ne les réserver qu’aux seules personnes présentant des symptômes qui peuvent faire suspecter une infection.
Lesquelles personnes, s’il se révèle qu’elles sont bien infectées, auront eu le temps, jusqu’à l’apparition des symptômes – en moyenne 4 jours, mais la période d’incubation peut aller jusqu’à 14 jours –, d’en infecter combien d’autres ?
Confronté à sa propre incurie, pour pallier la pénurie de tests, le gouvernement a donc décidé — avec la complicité active du directeur de la CNAM, Nicolas REVEL, lequel partageait le secrétariat général de l’Élysée sous François Hollande avec l’actuel président de la République – de faire rechercher les « cas contacts » des personnes dépistées positives par des personnels de l’Assurance Maladie.
Faut-il vous rappeler, Madame la Présidente, que les personnels administratifs des Caisses primaires sont uniquement chargés de traiter les prestations des assurés sociaux ? Et que, soumis au secret professionnel, ils n’ont connaissance que des éléments nécessaires à la gestion des droits des assurés sociaux à l’exclusion de leur dossier médical, dont dans notre institution, l’accès est réservé aux seuls médecins-conseils ?
Or qu’annonce M. Revel ? :
Que les agents administratifs des caisses, composant ces « brigades » rebaptisées « d’anges gardiens » (sic !) pour l’occasion, auront accès aux données médicales des personnes infectées. Leur rôle sera en effet, toujours selon M. Revel, :
- de contacter le cas confirmé de Covid-19 et répertorier avec lui les personnes « contacts » ;
- de rechercher ensuite en utilisant le système d’information de l’Assurance Maladie les noms, prénoms, coordonnées de ces personnes contacts ;
- d’appeler les personnes « contacts » identifiées afin de leur signifier les consignes d’isolement, de leur demander d’aller se faire tester.
- et de centraliser l’ensemble de ces données, médicales comme administratives, dans un fichier « Contact Covid »
Cet accès aux données médicales se fera donc — sauf loi votée à la hussarde — hors tout cadre légal.
En effet, les personnels des CPAM n’ont pas à traiter des situations qui relèvent du domaine médical et qui peuvent s’avérer délicates.
Or avec ce dispositif, les employés de la Caisse Primaire vont utiliser les données médicales des assurés sociaux pour annoncer à une personne qu’elle a été en contact avec un assuré qui a contracté le covid19.
- Comment l’agent de Sécurité sociale pourra-t-il gérer l’angoisse ou la violence des personnes lorsqu’elles vont apprendre qu’elles ont été en contact avec un patient testé positif ?
- Que lui faudra-t-il répondre à une personne qui ne va pas pouvoir se confiner parce qu’elle risque de perdre son emploi ?
- Quel comportement faudra-t-il avoir lorsque le contact refusera d’aller se faire dépister ?
Ce sont quelques-unes des questions auxquelles les agents de notre organisme vont être confrontés et auxquelles ils n’auront pas de réponses, car ce n’est pas leur métier.
Enfin, selon la presse, ce sont entre 5000 et 6500 salariés des caisses qui vont être mobilisés pour réaliser cette opération et cela pour une durée indéterminée.
Cela signifie qu’au bas mot, 60 agents de la CPAM 49 se verront chargés de cette mission.
Pendant ce temps, qui va traiter les dossiers des assurés ?
Interrogations enfin sur un dernier problème, mais non le moindre, les données de l’assurance maladie doivent être rendues accessibles à des structures extérieures à l’institution.
Sous prétexte de pandémie et du fait sa gestion calamiteuse par le gouvernement, on crée un précédent extrêmement grave en matière d’utilisation des données de la Sécurité sociale. En effet, Nicolas Revel l’a clairement annoncé : des partenaires extérieurs à l’assurance maladie (médicaux, mais aussi non médicaux comme des associations) viendront renforcer à terme ce dispositif. Or toujours selon M. Revel, cela suppose de leur part un accès aux données du système d’information de l’Assurance Maladie.
Autrement dit, des « plateformes externes » doivent être créées, constituées de personnes étrangères à l’Assurance Maladie, à qui l’on ouvrirait l’accès aux données administratives et médicales des assurés sociaux !
C’est proprement stupéfiant ! Que deviennent le secret professionnel, le secret médical et la protection de la confidentialité des données des assurés sociaux ?
Pour conclure, nous affirmons que pour lutter contre le Covid-19, il faut des masques, des protections et la généralisation des tests ! Pas transformer les agents de la sécu en soldats désarmés du gouvernement au mépris de toutes les règles régissant les missions de l’Assurance maladie, le secret médical et la confidentialité des données.
Toutes ces dispositions sont contraires aux missions traditionnelles de l’Assurance Maladie, font fi de la réglementation en matière de secret professionnel, remettent en cause les libertés individuelles et collectives des assurés sociaux.
Et tout cela sans même que le Conseil en soit informé. C’est pour nous absolument inacceptable.
Nous demandons donc la convocation toutes affaires cessantes d’un conseil d’administration exceptionnel qui aura à se prononcer sur l’ensemble de ces questions, lesquelles relèvent à l’évidence de ses compétences. Nous vous rappelons en effet que le conseil délibère non seulement sur les questions budgétaires, mais aussi « sur la politique d’action sanitaire et sociale menée par la caisse ».
Nous demandons que toutes les délégations au Conseil soient destinataires de cette lettre ouverte, que nous transmettons à la presse.
Dans l’attente de vous lire, recevez Madame la Présidente, nos salutations les meilleures.
Angers, le 6 mai 2020,
Catherine Rochard Secrétaire générale de l’Union Départementale FO de Maine-et-Loire |
Les Conseillers Force Ouvrière au Conseil de la CPAM de Maine-et-Loire |