Lu dans « Le Figaro » du 26 août :
« Jean Castex a estimé qu’avant la crise du Covid-19, le télétravail n’avait “pas très bonne presse”, et que certains considéraient qu’il était l’outil des “fainéants”. “Voilà un effet positif et structurel de la crise. On va se mettre à regarder différemment le télétravail, et même se dire que le télétravail s’organise”, a-t-il poursuivi avant d’annoncer avoir rencontré les partenaires sociaux pour “faire des propositions pour savoir, entreprise par entreprise, comment le télétravail peut être amélioré, optimisé et devenir un fait de société” ».
Du jour au lendemain à la suite de l’instauration de l’état d’urgence et des mesures de confinement décidées par le gouvernement, des millions de salariés ont été placés en télétravail, dans le secteur privé comme dans le secteur public. Ce sont entre 5 et 8 millions de salariés du privé qui ont été concernés le plus souvent pour la totalité de leur temps de travail, contre seulement 3 % d’entre eux avant le confinement, télétravail le plus souvent limité à un ou deux jours dans la semaine.
C’est donc, comme le dit Jean Castex, « un effet… structurel » certain : gouvernement et patronat ont pu, à grande échelle expérimenter le télétravail.
Un cadre juridique profondément transformé
Mais qu’est-ce qui a permis que du jour au lendemain on puisse mettre des millions de salariés en télétravail ?
Depuis un Accord national interprofessionnel signé, en 2005, par les organisations syndicales représentatives et le patronat (et codifié par une loi en 2012), la mise en place du télétravail nécessitait la négociation d’un accord collectif et la consultation des institutions représentatives du personnel, il reposait sur le strict volontariat et un retour au poste dans l’entreprise était garanti.
Les accords sur le télétravail conclus dans ce cadre, même ceux « à minima » interdisent d’imposer le télétravail, mettent à la charge financière de l’employeur la vérification de la compatibilité des équipements électriques et le plus souvent prévoient une indemnité mensuelle visant à compenser les charges induites pour le salarié (électricité, abonnement internet…).
Les ordonnances Macron de septembre 2017 ont considérablement modifié ce cadre, puisque
l’accord collectif n’est plus nécessaire (une simple « charte » élaborée par l’employeur suffit, avec avis du CSE)
et le télétravail s’il continue de relever du volontariat en temps normal, peut être imposé au salarié « en cas de circonstances exceptionnelles, notamment de menace d’épidémie… » (article L1222- 11 du Code du travail issu des ordonnances Macron)
Ce sont ces dispositions qui ont permis de placer des millions de salariés en télétravail du jour au lendemain. Et dans ce cadre le télétravail peut être imposé par l’employeur sans aucune obligation pour lui, sans souci de la sécurité des installations, sans obligation de contreparties pour le salarié.
Vers une banalisation du télétravail ?
De nombreuses études commencent à être publiées sur le fait que ce provisoire pourrait durer, car « il serait souhaité par une partie des salariés ».
Cela s’explique d’une part du fait de l’allongement du temps de déplacement entre le domicile et le lieu de travail : si les Français mettent en moyenne un peu plus d’une heure pour effectuer l’aller-retour domicile-travail, pour les salariés aux revenus les plus faibles ce temps est le plus souvent double, voire triple !
En effet, ces travailleurs sont rejetés chaque année un peu plus à la périphérie des grands centres urbains du fait de l’augmentation constante du prix des loyers ou du mètre carré à l’achat.
Ainsi, des millions de salariés arrivent au travail déjà exténués par des conditions très pénibles de transport en commun. Quant à ceux qui utilisent leur véhicule, ils sont dans l’obligation de partir tôt de leur domicile s’ils veulent éviter les embouteillages.
Il y a aussi la possibilité, en télétravail, d’échapper à des conditions de travail de plus en plus difficile, d’échapper à la pression constante de la hiérarchie…
Les salariés travaillent plus et sont sous surveillance constante
Pourtant tout n’est pas rose.
Toutes les études aboutissent au même résultat : le rendement est bien plus élevé lorsque les salariés sont en télétravail.
Et pour des raisons évidentes : avoir un endroit et des outils dédiés au travail, cela permet de ne pas l’emporter avec soi, que ce soit mentalement ou physiquement.
Transférer ces outils chez soi mène à une séparation plus floue entre « temps de travail » et « temps personnel », donc à faire de plus longues heures, à se rendre disponible (ou être forcé de se rendre disponible…) en permanence y compris en dehors des horaires, etc.
Il y a aussi les moyens informatiques de contrôle individuel. Le télétravailleur est soumis à une surveillance continue de son activité.
De nombreux salariés en télétravail ont souffert de l’isolement
Même si de nombreux salariés souhaitent conserver le télétravail pour les raisons déjà indiquées, beaucoup réclament le retour au travail sur les sites professionnels notamment parce qu’ils souffrent de l’isolement.
« Perdre du lien social peut être délétère, pour la santé mentale, mais aussi pour la santé physique. Notre sentiment de bien-être dépend étroitement de nos liens sociaux […] Il est nécessaire de continuer à communiquer avec ses collègues », explique Estelle Nouhra, psychologue clinicienne.
Télétravail et action syndicale
Le plan de confinement du gouvernement a eu pour principal objectif de faire la guerre non au virus, mais aux libertés démocratiques, au droit syndical et au droit du travail.
Les manifestations, les réunions, ont été interdites. La règlementation relative aux IRP a été « assouplie » dans un sens favorable aux employeurs. Les conditions dans lesquelles les organisations syndicales ont dû fonctionner pendant cette période ont été complexes.
Nos syndicats et sections syndicales n’ont pas renoncé à défendre les revendications et ont pu dans cette situation inédite garder le contact avec les syndiqués et les salariés en multipliant les contacts par téléphone et par messagerie, mais dans des conditions nécessairement dégradées par rapport à une situation normale.
Cela laisse présager des difficultés que nos syndicats risquent de rencontrer pour maintenir le contact avec les télétravailleurs.
Et cela dans une situation où, isolés chez eux, les salariés sont d’autant plus à la merci de la pression de la hiérarchie puisque la capacité de réaction collective est fortement entravée.
Encore une raison pour être particulièrement attentifs aux conditions d’organisation du télétravail et du respect du droit syndical dans ce cadre.
Enfin il nous faudra être particulièrement attentifs au caractère volontaire du télétravail et aux garanties sur les possibilités de retour sur site à tout moment.
Gouvernement et patronat veulent que le télétravail se négocie entreprise par entreprise
Notre confédération réclame une négociation nationale du cadre du télétravail, mais le gouvernement comme le patronat cherchent à s’y opposer et veulent renvoyer la négociation à l’échelle des entreprises.
Le Premier ministre l’affirme clairement dans la citation reproduite en introduction de cet article. Et il l’a réaffirmé dans son discours à l’université d’été du Medef, le 26 août.
Ainsi le risque est grand que nous soyons contraints demain de négocier entreprise par entreprise.
C’est pour cette raison qu’en cette rentrée, l’Union Départementale organise une journée d’informations et de formation sur les questions relatives au télétravail. Inscrivez-vous !
Journée d’informations sur le Télétravail Mardi 13 octobre 2020
L’UD FO vous propose une JOURNÉE sur ce thème le Mardi 13 octobre 2020
à l’Union Locale de Trélazé – 12 rue de Bel Air à Trélazé (ancienne Ecole Jean Jaurès)
Inscrivez-vous auprès du secrétariat de l’UD.